Génèse de l'installation hors-cadre...manifestement
1) le point de départ
Comme souvent je regardais la télévision d'un oeil distrait, l'émission de début de soirée sur canal+, où tout un chacun vient faire la promo formatée de son dernier film, livre ou disque.
Ce soir là Isabelle Adjani y présentait son rôle de prof dans « la journée de la jupe », accompagnée de quelques jeunes acteurs du film. J'ai constaté qu'elle avait grossi.
Loin de la trouver enlaidie par ce poids supplémentaire, je me suis interessée à ce qu'elle disait. Ce changement m'a permis de découvrir une femme et une artiste authentique, parlant de son métier avec recul et intelligence. Victime moi aussi des préjugés, j'avais d'elle l'image superficielle véhiculée par les médias d'une star translucide et éthérée, une icône capricieuse voire prétentieuse.
Imaginant sans peine les grands rôles qu'on pourrait lui offrir à cette nouvelle dimension, je l'ai trouvée ce soir là touchante de dignité et vraiment magnifique!
Respect et chapeau bas.
2) Le déclic
L'histoire continue le lendemain soir, quand mon mari me rapporta les commentaires lapidaires et jugements négatifs prononcés par des collègues de bureau, à son sujet. j'ai ressenti une bouffée de colère contre de cette société « bien pensante » dans laquelle pour avoir le droit d'exister il faut être : jeune, beau, grand, obligatoirement mince et si possible riche, faute de quoi on est bon à jeter aux lions.
En résumé sous le pretexte qu'elle a pris quelques kilos, Isabelle Adjani n'aurait plus le droit de se montrer à la télévision, ni d'exercer son métier.
Sentence énoncée par des personnes qui sont loin d'être toutes minces...et d'avoir son talent!
Soudain j'ai eu honte pour la masse des intolérants qui rejettent si facilement les différences et les changements physiques, mettant toutes les personnes en surpoids, ou celles prenant de l'âge dans le même sac, poubelle!
3) La piqûre de rappel
Je me suis sentie lâche d'en faire partie, car dessiner des modèles vivants ayant de la rondeur est très satisfaisant. J'ai réalisé brusquement que mes dessins de femmes rondes ou« hors norme » sont restés cachés dans le carton. Je les ai censurés pour me conformer à l'opinion générale, avec comme excuse de ne pas heurter les sensibilités, par peur aussi d'affronter la méchanceté des critiques qui en une seconde, d'une phrase ou d'un bon mot, laminnent plusieurs mois de travail.
4) Le réveil
Hors cadre était en sommeil dans mon travail sur le corps humain, une suite logique à ma série de dessins découpés « fenêtre sur corps » recherche sur le cadrage et l'espace hors champs (référence à mes études de cinéma à l'école Louis Lumière)
Hors cadre est aussi un autre aspect de celle réalisée en pierre intitulée : « corps rompus ».
Reprendre ce travail en suspens et le présenter, dans sa « brutalité » est devenu une évidence.
