Ma recherche a été jusqu’en 1998 celle de la perfection absolue. Une citation de Tay Garnett « il n’y a pas de prison plus terrible que le beau » agit comme un électrochoc et me donne à réfléchir.
En 1999 je rencontre l’œuvre de Louise Bourgeois qui m’impressionne profondément. L’interpénétration de l’expérience personnelle avec le travail du sculpteur qui est la caractéristique de son œuvre, ouvre une brèche définitive dans ma quête d’absolue perfection. Je choisis de changer d’angle pour évoluer vers une approche plus libre et plus personnelle de mon sujet, sans y renoncer complètement, puisque la pureté des lignes, la précision des courbes et l’équilibre des formes font partie intégrante de mon travail de sculpteur.
Cette remise en question m’amène à fragmenter l’image du corps et à privilégier de plus en plus les volumes géométriques épurés qui le composent. Influence directe de mes études cinématographiques et de mon vécu, les séries de dessins découpés « fenêtres sur corps » et de sculptures en pierre et métal « corps rompus », sont le produit de ce tournant. Brouiller les pistes et gommer la ressemblance anecdotique au modèle en ne représentant pas son visage, me permet d’universaliser la représentation de son corps, dessiner des portraits ou sculpter des bustes « ressemblants » de capter sa singularité. Mon travail s’inscrit franchement dans la dualité, paradoxalement y laisser entrer une part d’irrationnel, d’expérience personnelle et d’intimité m’en a donné une plus grande maîtrise.
La lecture du livre de Daniel Sibony « Création » intervient au moment où je suis en plein doute. Cet essai sur l’art contemporain répond en grande partie à mes intuitions et concrétise ma pensée. L’artiste est reconstruite intellectuellement, il lui reste maintenant à bâtir une œuvre exigeante, en assumant d’être à contre-courant de la tendance actuelle, qui privilégie la communication et l’éphémère.
